Amicale des Anciens de Saint Ilan - Bavaud
Maurice BAVAUD (36-38)
LE SUISSE QUI VOULAIT TUER HITLER

BERNE de notre correspondant

14 mai 1941, à la prison. berlinoise de Plötzensee, le bourreau fait son travail : un homme est décapité. Depuis, un lourd silence entoure ce drame dont seule la famille, au loin, garde le souvenir et tente d'obtenir justice. Le supplicié est Suisse, il a vingt cinq ans et, en novembre 1938, il avait suivi pendant quelques jours Hitler à la trace. Il voulait le tuer, le considérant comme « un danger pour l'humanité ». Aujourd'hui, le dossier de Maurice Bavaud refait surface.

L'histoire du jeune homme guillotiné est exemplaire des ambiguïtés helvétiques de l'époque et témoigne du malaise qu'éprouvent aujourd'hui encore, les autorités suisses à regarder le passé en face. Il est vrai également que le personnage est complexe : pour les uns, séminariste en rupture de vocation, Maurice Bavaud était un déséquilibré ; pour ses proches, pacifiste dans l'âme, cet aîné de six enfants d'une famille unie et laborieuse était un fervent de Gandhi ; pour d'autres, son geste velléitaire révélait une vision nourrie d'idéalisme.

Pour d'aucuns, cependant, comme le représentant de la Confédération à Berlin en ce temps-là, la cause est rapidement entendue. Le ministre en poste, Hans Froelicher, écrit à ses supérieurs : "Eu égard aux intentions abominables du condamné, la légation doit, bien entendu, observer une certaine réserve." En clair, cela signifie qu'entre la condamnation et l'exécution, le prisonnier n'a reçu aucune assistance de ceux qui, en principe, ont pour devoir de défendre leurs ressortissants à l'étranger. Au point que des dignitaires nazis eux-mêmes s'en étaient étonnés...
Maurice Bavaud est mort en emportant ses secrets. Sa courte existence a été jalonnée de contradictions. Il aurait même brièvement adhéré au Front national, version helvétique du parti nazi. La lecture d'un ouvrage de missionnaires sur le Congo le conduit à entrer au séminaire des vocations tardives à Saint Ilan, en Bretagne, qu'il quitte en 1938. Début octobre, il dérobe 600 francs dans la caisse du magasin maternel et se rend à Baden-Baden, sous prétexte de chercher du travail. Chemin faisant, il achète à Bâle un pistolet de calibre 6,35. Dès lors, il s'active à pister sa cible sans apparemment en avoir touché mot à quiconque.

De Berchtesgaden, le 24 octobre, à Munich, le 9 novembre, le pistolet en poche, Maurice Bavaud se retrouve par deux fois à quelques mètres du chancelier, mais jamais assez près pour tirer. A cour d'argent et déçu de ne pas pouvoir passer à l'acte, il décide de quitter l'Allemagne et prend le train pour Paris. Voyageur sans billet, une arme dans ses bagages, il se fait pincer par un contrôleur, et la police le livre à la Gestapo. Probablement sous la torture, il finit par avouer qu'il voulait tuer Hitler. Les parents du jeune homme s'adressent aux autorités de Berne, Peine perdue : on leur enjoint de ne pas ébruiter l'affaire afin « de ne pas compromettre " les efforts entrepris... 

L'actuel président de la Confédération, Flavio Cotti, a récemment concédé : "Peut-être sommes-nous redevables au souvenir d'hommes comme Maurice Bavaud." Le gouvernement helvétique devrait faire connaître sa position. En attendant, la ville de Neuchâtel a décidé de faire poser, le 14 mai prochain, une plaque commémorative sur la maison natale du Suisse qui avait voulu tuer Hitler.

Jean-Claude Buhrer Journal LE MONDE du 22 -23 février 1998 (en première page )

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